mardi 15 décembre 2015

QUAND UNE PREMIERE ETAPE DE TRAVAIL PREND FIN


Pour une compagnie se pencher sur une réflexion historique c'est aussi faire un travail de recherche. C'est cette étape que nous avons conclu ces trois derniers mois. 
Depuis Aout 2014, nous nous sommes plongés dans les écrits de chercheurs, d'auteurs et d'universitaires. 
Aujourd'hui avec les commémorations du Centenaire de la Grande Guerre, les ouvrages sont nombreux, les recherches historiques ont étudié ce conflit sous tous les angles ou presque...
Il reste encore des oubliés dans cette histoire de la Première Guerre Mondiale. Les femmes font partie de ces sujets peu explorés, peu étudiés. 
Bien sûr, les images de la munitionnette, de l'infirmière et de la veuve éplorée sont largement illustrées dans les manuels d'Histoire. 
Pour les femmes, la Grande Guerre n'a pas été qu'une attente de l'être cher. La Grande Guerre n'a pas été cette parenthèse enchantée tant louée. Cette période a permis une remise en question de l'organisation sociale, familiale et économique de la France, c'est certain. Mais à quels prix et au profit de qui ?
Les questions du droit de vote, des droits du travail, d'égalité, la question de l'avortement, la question de la place des femmes dans la mode, l'industrie, les arts, la santé, les sciences et l'éducation ; toutes ces questions ont été posées. Mais quelles ont été les réponses ?
En assurant l'intérim des hommes, elles ont gouté à une certaine indépendance, elles ont aussi initié des mouvements sociaux. Mais au retour des hommes, que s'est-il passé ?
Qu'a-t-on fait de ce "progressisme" forcé ? Que sont devenues les femmes ?
Nous connaissons tous la réponse. Elles sont redevenues des génitrices, des femmes au foyer, des soeurs, des épouses, des matrices pour les futurs soldats...
Mais alors pourquoi ont-elles acceptées ce retour à leurs fonctions de mère sans réclamer plus de respect, de droits, de gratitude ? C'est évidemment, une réflexion qui s'impose lorsque l'on vit en 2015, mais en 1918 cette évidence n'existe pas. 
Avec le spectacle "Les Femmes de l'effort" nous souhaitons ouvrir la réflexion sur ce temps de guerre totale, ce temps de l'arrière, où les femmes ont été placées comme piliers de la nation et les hommes comme chair à canon. Ce temps où l'humain sans distinction de sexe a été brisé et oublié. 
Cependant de nombreuses femmes se sont battues pour acquérir de meilleures conditions de vie, participer à un élan pacifiste et à l'élaboration de l'égalité. Leurs noms n'ont pas été souvent cités. Leurs actions n'ont pas été commémorées. 
En redonnant la parole à toutes ces femmes, nous espérons avoir une nouvelle vision de ce conflit et par là mieux appréhender notre monde. 
A la lecture des textes de Marcelle Capy, l'on est frappé par l'actualité du propos, par le courage de cette auteure, par son intelligence et surtout par l'humanité de ses réflexions. 


Extraits "Vingt ans après". texte rédigé en 1926 en Préface de la réédition de UNE VOIX DE FEMME DANS LA MELEE de Marcelle Capy. 

"C'était la guerre ; et la guerre tue la liberté de penser, d'écrire, de juger, et même de pleurer, afin de pouvoir tuer les hommes.
(...)
Les peuples en proie à la peur se laissent aisément dominer par les fous qui ne calculent pas les conséquences de leurs actes, et les cyniques qui les calculent trop.
(...)
Nous voyons revenir ce que nous avons maudit : cet esprit de guerre fait de peur, d'avidité, de fanatisme, de verbalisme forcené, d'hypocrisie solennelle ; - cette diabolique négation de l'Homme et de l'Humain, de la Raison et du Coeur - qui broya notre génération, décapita l'espérance de l'Europe et devant quoi nous refusâmes, à vingt ans, de nous incliner. 
Ils reviennent, les va-t-en-guerre-avec-la-peau-des-autres, les précheurs de panique, les gonflés de formules, les maniaques grandiloquents, les bénisseurs de cimetières, les bavards haineux - et, derrière eux, les éternels roublards qui font de l'or avec du sang et des trônes de domination avec des cadavres ; - et aussi, les implacables Géronte, et le bande de trembleurs qui ne se sentiront en sécurité que lorsqu'ils descendront en terre. 
Ils reviennent tous, comme des spectres.
Ils n'ont rien appris - ou tout renié. 
(...)
Notre génération - toujours mobilisable - a le droit, - et le devoir, - de dire, à l'heure où "tout cela" recommence : 
- Nous n'avons rien oublié. Nous ne marchons plus. "